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Les petits articles pédagogiques de Méandres Musicaux – N°5 : La rectification.

Tout notre travail d’instrumentiste à cordes est basé sur la rectification. Notre plus grande habileté sera de faire cette rectification le plus vite possible pour qu’elle soit inaudible. Mais, elle existe :
La justesse de chacune de nos notes passe par là pour que la hauteur soit exactement et à chaque instant celle qui convient en fonction de la succession des notes, aussi bien verticalement qu’horizontalement. Autrement dit, sur notre instrument non tempéré, comme nous le savons, la justesse dépend du contexte et n’est donc pas toujours la même… Nous ne pouvons pas toujours être d’accord avec la conception immobile de la justesse que nous propose l’accordeur!


De même, pour la qualité du son, notre oreille nous indique comment rééquilibrer le poids à chaque centimètre de la baguette pour que le son corresponde à notre intention. Le dosage du poids, de la vitesse et de la place de l’archet entre touche et chevalet sera également toujours remis en question à chaque seconde selon la corde sur laquelle on joue, la position dans laquelle on est, que ce soit dans le but d’avoir un son égal ou dans celui d’avoir une nuance cohérente.

Bref, nous sommes en permanence sur un fil instable et nous devons créer de la continuité malgré tout.

Il peut être très inconfortable de sentir qu’à chaque instant, nous ne faisons plus ce qu’il faudrait faire !!! Le son que nous venons de produire sur la corde de Do en première position devient très inaudible en 6e position sur celle de La si nous ne changeons pas la plupart des paramètres de la gestion de notre archet ! Ce Mi qui allait si bien avec ce La s’avère faux avec un Sol !!! Ce Fa# parfait dans ce mouvement Majeur à la ligne 3, 5e mesure, devient très douteux dans sa partie mineure en haut de la 2e page, si je ne le transforme pas…
C’est notre quotidien : nous savons que tout est à remettre en cause en permanence. Nous n’avons aucun moment de tranquillité… Je ne sais pas comment nous supportons cela mais c’est aussi pour cela qu’un instrument à corde est aussi passionnant. Nous surfons sur la vague avec le désir d’un équilibre toujours remis en cause. Pas de repos ! Jamais !

Le problème de l’erreur n’est pas très loin de ce premier sujet, surtout si nous n’avons pas encore beaucoup d’années de travail derrière nous. En cas d’erreur, notre premier réflexe nous poussera souvent à paniquer et à nous figer au lieu de nous couler dans la fluidité qui permettra de comprendre tranquillement (et donc rapidement!) ce qu’il faut faire pour revenir sur le droit chemin sans abîmer un trop grand nombre de notes.
Il me semble utile de réserver des temps privilégiés à ce travail en lien avec l’erreur de façon à ce que notre cerveau puisse comprendre et s’habituer au processus de rectification et, ainsi, ne pas créer inutilement du stress et du désordre. Une partition que nous ne possédons pas encore assez bien nous confronte à une pléthore de problématiques que nous ne pourrons surmonter que progressivement. Si nous voulons vraiment travailler la possibilité d’être détendu malgré les inévitables erreurs, il vaut certainement mieux le faire sur une partition simple que nous maîtrisons bien. Nous pourrons ainsi discerner avec plus de pertinence comment penser et comment agir. Dans un premier temps, en cas d’erreur, on s’arrêtera de façon à faire le point : c’était trop aigu, la place d’archet n’était pas bonne, ce n’est pas le bon doigt, la bonne position, le bon rythme …. ou un quelconque autre problème. Et l’on recommencera le passage après avoir explicité ce que nous devions faire. Puis progressivement, ayant appris à rester calme malgré la faute, on pourra agir sans s’arrêter, en étant capable de rectifier le tir avec la note suivante. L’erreur ne sera plus qu’une erreur au lieu d’être un cataclysme…

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Les petits articles pédagogiques de Méandres Musicaux- N°4 Chanter et jouer.



A nouveau pour rendre nos oreilles toujours plus virtuoses :

Je vous conseille vivement de faire cet exercice qui obligera votre cerveau à rester extrêmement vigilant. Il s’agit de chanter une gamme très tranquillement tout en tenant en bourdon la tonique de cette gamme avec le violoncelle. On ne cherchera pas particulièrement à avoir une pulsation mais on partira du principe qu’on ne passera à la note suivante que lorsqu’on aura entendu quelque chose de parfaitement en adéquation entre le violoncelle et la voix. Il est plus facile de comprendre ce qu’est la justesse avec ce travail. On repérera en effet plus aisément si nos 2 notes sont vraiment en phase ou bien provoquent un résultat de justesse un peu flou. Nos oreilles sont obligées de travailler avec l’écoute des 2 sons ET avec l’écoute du résultat.
Cela demande sans aucun doute une grande concentration mais c’est un peu un exercice méditatif également ! Notre action consiste à prendre le temps d’entendre ce que l’on produit mais avec une acuité différente de celle des exercices de la semaine dernière. On écoute aujourd’hui les ondes sonores et leur concordances.

Vos pouvez travailler ceci sur différentes gammes, chacune ayant ses caractéristiques.

Chanter en même temps que jouer est éminemment agréable et votre son au violoncelle s’en trouvera plus ouvert.

Plus difficile (vraiment !! Pratiquement de la haute voltige !! ) Inverser les voix : tenez la tonique avec la voix et monter la gamme au violoncelle. Il est alors assez difficile de tenir la voix sur une seule note tout en écoutant les notes du violoncelle mais .. cela vaut le coup !

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Les petits articles Pédagogiques de Méandres Musicaux. N°3- Ouvrir davantage nos oreilles.

Nos oreilles sont souvent assez paresseuses et se contentent la plupart du temps de ne nous informer que de ce que nous attendions sans être suffisamment curieuses de ce qu’elles peuvent nous faire entendre réellement.
Essayons un petit exercice qui leur donnera peut-être l’envie d’être davantage « à l’écoute » :

Plaçons notre premier doigt au tout début d’une de nos cordes et glissons le plus lentement possible, en appuyant a minima, jusqu’au plus près du chevalet.
Il faudra déjà, dans un premier temps apprendre à gérer l’action différente de nos 2 mains. La main gauche va le plus lentement possible et sans appuyer sur la corde et notre main d’archet va vouloir faire la même chose alors que son rôle est de trouver la BONNE vitesse pour que le son puisse se développer. Elle voudra rendre l’archet très léger, alors que son rôle est de lui faire trouver le BON appui sur la corde pour que le son puisse se déployer.
Ceci est le premier travail…

Maintenant, en glissant, nous distinguons d’abord un certain nombre d’harmoniques qui vont apparaître tout au long de la corde. Certaines que nous connaissons bien, d’autres que nous ne pratiquons pas beaucoup. Je serais prête à parier que vous allez déplacer votre main gauche de note harmonique en note harmonique ! Mais… si vous preniez le temps d’écouter ce qui se passe ENTRE elles? Il y a bien du SON entre ces harmoniques ? Certes, pas vraiment des notes, mais pourquoi éliminer toute cette richesse que votre instrument vous donne ? Vous allez distinguer peu à peu, des sons troublés, des sortes de doubles harmoniques, des chuchotements, des souffles, des bruits de cailloux qui roulent, des presque riens mais qui sont là … Cela donne envie de s’attarder de plus en plus et d’écouter toute ce langage que le violoncelle nous propose.
D’une corde à l’autre, les mondes à découvrir seront d’ailleurs différents, la personnalité du La, du Ré, du Sol et du Do plus distincte.
Vos oreilles vont, je l’espère, s’émerveiller de tout ce qui leur était encore inconnu. Cela enrichira également par la suite vos « beaux sons » parce que vous serez plus attentif au moindre petit détail que vous ne distinguiez pas auparavant et que vous pourrez alors développer.

Et puis, cela oblige à prendre son temps, ce qui est toujours une bonne chose…

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Les petits articles pédagogiques de Méandres Musicaux. N°2- la conduite de l’archet

Décidons de faire sur une note de la première position un son sur tout l’archet, le plus fort possible et le plus lent possible dans la vitesse d’archet. Il n’y a qu’une possibilité pour que cela fonctionne : jouer très près du chevalet. Là où la corde est suffisamment résistante pour que l’on puisse appuyer fort et qu’un son timbré soit construit avec la lenteur et la régularité du geste. A cet endroit, le violoncelle va sonner très puissamment et avec une vibration intérieure particulière : tout le bois et tout l’instrument se mettent en mouvement.

Par contre dès que l’archet est un petit peu trop près du chevalet le son se fragmente. Il faut donc apprendre à connaître la frontière du possible : à un millimètre près, le violoncelle sonne avec toute sa puissance ou bien passe dans quelque chose d’instable. Il faut être précis, rester dans la bonne direction d’archet, détecter le passage inopportun de la frontière avant même qu’il soit effectif. Nous sommes toujours en train de jouer dangereusement pour que notre musique ou nos sons restent vivants.
Une fois cette puissance trouvée – sur tout l’archet et sans fragilité – nous pouvons rajouter le vibrato pour encore plus de noblesse. Point de repos ! Il faut là aussi chercher une bonne concordance entre la vitesse et l’amplitude du vibrato et celles de la corde.
Tout ce travail amène à trouver une sonorité qui nous appartient entièrement et qui va faire partie de notre pâte sonore personnelle clairement identifiée. Nous sommes obligés de nous investir pleinement dans ce jeu-là qui demande de la force, avec le minimum d’effort, et surtout une attention totale et constante pour que le son reste très incarné (ce qui nous demande d’être très incarné nous-même?).

Faire passer autant de poids dans notre corde peut malgré tout être fatigant à la longue pour le bras droit et la main. Il ne faut alors pas oublier que si l’archet peut aller dans la corde, la corde peut aussi aller dans l’archet. Particulièrement quand nous sommes dans la partie supérieure de l’archet : Sentir que le sternum peut pousser le violoncelle vers l’archet créera à nouveau des sons plus projetés, plus vivants, malgré la contrainte de la force. Et, oui, le violoncelle a tout à fait le droit de bouger lui aussi !
Pour ouvrir le sternum, nous aurons besoin de cambrer légèrement la colonne vertébrale au niveau des lombaires et des cervicales. Certes, cela s’oppose assez à l’image du violoncelliste avec la tête baissée pour jouer plus fort…
Notre corps se mettra en mouvement ( qui peuvent être des micro-mouvements) et sera plus actif et donc plus détendu.

Il est intéressant de faire ensuite des variations par rapport à la consigne de base :

  • Tout en gardant cette qualité sonore, et l’idée de fortissimo et de lenteur de l’archet, on peut faire la même note mais à l’octave supérieure puis encore une octave au dessus.. Cela oblige à changer des paramètres. L’appui va être différent : plus la corde est courte moins on peut appuyer (même si près du chevalet). Il faudra donc compenser en prenant un petit peu plus de vitesse… L’oreille doit être aux aguets pour, le plus rapidement possible, trouver les bons réglages.
  • On peut aussi changer de note et passer au demi ton suivant, dans le même archet : avec ce son très plein, on se rend mieux compte que les harmoniques qui constituent la nouvelle note font réagir le violoncelle un peu différemment et là aussi il va falloir compenser pour rétablir le son et la qualité de départ. Nos oreilles vont être sollicitées au maximum dans ce travail de détail.
  • On peu maintenant mettre en place une pulsation et décider de faire des blanches fortissimo avec un archet très lent. Attention ! On ne va pas forcément utiliser TOUT l’archet ! Et il est intéressant de constater que souvent nous posons comme une évidence que l’archet sera utilisé du talon à la pointe : non, nous allons prendre la quantité d’archet UTILE… Et nous nous en souviendrons dans les textes !
  • Gardons la même pulsation et jouons toujours des blanches mais pianissimo avec le même timbre que précédemment. Les seuls paramètres sur lesquels nous pouvons jouer sont la vitesse de l’archet et la place de l’archet : encore moins vite,donc (le danger est encore plus grand car l’archet risque de s’arrêter par moment tant nous sommes lent) et plutôt dans la partie supérieure de l’archet. Ce son contenu, contraint, et notre concentration à son apogée se perçoivent de l’extérieur et crée le piano. Un piano plus intéressant que simplement un son moins fort… Un piano plein de suspens que l’auditeur aura envie de suivre…

Toutes ces petites expériences nous rappellerons que la constance de notre son est due à l’irrégularité de nos gestes : plus ou moins vite (donc avec plus ou moins de longueur) plus ou moins près du chevalet, plus ou moins appuyé, à différentes places d’archet…. Nous sommes en fait en permanence en train de rectifier le son, et donc en permanence sur le qui vive.

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Les petits articles pédagogiques de Méandres Musicaux. N°1- yeux fermés trouver sa corde.

Il est important de constater que nous pouvons nous faire confiance sur bien plus de gestes que nous ne le pensons : En faire l’expérience nous donne, en plus, une petite impression de miracle qui fait du bien !

Essayez ceci :

Fermez les yeux et tenez votre archet à l’horizontale, à 30 cm de hauteur par rapport aux cordes, vers le talon. Décidez sur quelle corde vous voulez poser votre archet puis faites-le doucement en laissant le bras diriger l’opération.
Il y a fort à parier 1) que vous serez persuadé que vous n’allez pas réussir 2) que votre archet se posera en fait sans aucun problème là où vous l’avez décidé !
Une fois ce constat réalisé, faites la même expérience au premier tiers de l’archet, au milieu, à la pointe…

Cela rassure. Cela permet d’être plus à l’aise. Cela permet de ne pas systématiquement regarder ses cordes.
Notre corps engrange les informations bien plus vite que nous le pensons si toutefois nous ne l’empêchons pas de faire ce qu’il sait faire. A bon entendeur….

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Un cours de janvier 2020

Peux tu simplement faire sonner une corde à vide avec ton archet et écouter ce qui se passe une fois que ton archet a lâché la corde ? Le son résonne, un certain temps, bien sûr. Mais entends-tu comme il est vivant ? Comme il se déplace dans ton violoncelle et dans l’espace ? Il a une forme qui évolue, avec des sortes de spirales ! C’est quand même assez magique… Et ça dure… Le violoncelle a donc d’une certaine façon sa propre vie ! Et il faut être attentif à cela. Les cordes vibrent, le bois vibre. Ton instrument tout entier se met en mouvement ! C’est toi bien sûr avec ton archet, qui provoque plus ou moins de dynamisme ou de force, mais il n’empêche que ton violoncelle est partie prenante dans l’histoire… Le son n’a rien de mécanique, rien de constant, il n’est pas tout droit, il se promène et tu t’amuses avec. Tu DOIS t’amuser avec ! Tu te nourris de lui également… Et ce but sera le même que tu interprètes un texte ou que tu fasses une improvisation.

Et si nous faisions maintenant un sol sur la corde de Ré en écoutant si le même effet se reproduit ? Tu entends ? le son est un peu moins libre. Forcément ! la corde est plus courte… Et si tu poses délicatement un doigt sur la corde de SOL, à côté, pendant la résonance ? Et oui ! le son s’appauvrit au moment où tu touches la corde et l’empêche de ce fait de vibrer. La corde de Sol a reconnu le sol que tu faisais à l’octave et cela la réveille : elle veut elle aussi jouer ! Et d’ailleurs, la corde de Do aussi vibre quand tu fais ce Sol sur la corde de Ré !! En fait, ce qu’il faut comprendre c’est que tes quatre cordes n’ont qu’une envie, c’est de résonner avec la note que tu fais. Et, toi, ton travail est de chercher justement tous ces liens que tu peux déclencher entre tes cordes et ta note. La note que tu fais a tout un tas de « copines » tous le long de tes cordes et elles se réjouissent de participer au son que tu produis. Ce sont les harmoniques !

Observe, maintenant ! certaines notes que tu fais semblent avoir moins de « copines » harmoniques que d’autres.. Et oui, tu n’as que quatre cordes sur ton violoncelle ! Elles ne sont pas amies avec tout le monde aussi facilement. C’est normal, c’est comme dans la vie : il y a des personnes avec qui tu te sens tout de suite bien et d’autres avec qui c’est moins simple. Quand tu remarqueras que les résonances sont moins simples, il faudra que, toi, tu sois plus active, que tu ailles chercher dans un cercle un peu plus lointain ces amies prêtent à s’amuser. Tu dois élargir le plus possible ta recherche ! Tes oreilles vont donc devoir être extrêmement attentives de façon à ce que tu sois prête à compenser l’éventuelle moins grande facilité de ton violoncelle à vibrer. Ton violoncelle, lui, adore être chatouillé dans tous les sens et c’est à toi de l’aider ! Pétris, pétris!!

Et ta main gauche ? Peux tu refaire ce Sol sur la corde de Ré et, écoute! si tu relâches trop la pression de ton doigt sur la note que tu joues, le son du violoncelle s’éteint tout de suite. Tu as là aussi une grande responsabilité vis à vis de la résonance. Tu dois vouloir vouloir!

Les instruments à cordes ont cette immense qualité de continuer à faire vibrer le son après qu’on l’ait produit. Si tu jouais de la flûte, par exemple, ce ne serait pas le cas : une fois que tu cesserais de souffler dans ton instrument, le son s’arrêterait. Ton violoncelle, lui, joue avec toi et va plus loin que toi, plus loin même que ton intention !! Il peut t’étonner à chaque instant si tu es vraiment vigilante.

Faisons à présent plusieurs notes de suite : un bout de gamme par exemple. Si nous continuons sur notre idée, chaque note que tu as émise va devoir continuer à vibrer avec toutes ses copines sur la suivante et peut-être également sur celle d’après ! Tu crées un nuage de son qui ne doit jamais cesser, qui doit rester ample et conserver à chaque milliseconde le phénomène de formes mouvantes dont nous parlions tout à l’heure. Dès que tu n’y penses plus assez, le son crée des ruptures , la phrase perd son sens, et la musique sa magie… la phrase ne trouve plus son but.

Si ton archet s’arrête sur la corde: ton son s’arrête, si ton doigt de la main gauche qui joue se soulève trop tôt : ton son s’arrête, si ton archet change de corde sans penser à provoquer de la résonance, ton son s’arrête, si tu ne gardes pas la pression juste dans un déplacement : ton son s’arrête !! Quelle responsabilité !! Mais quel jeu passionnant aussi !

Le compositeur dont tu joues la musique a pensé et entendu tout ce qui peut se percevoir comme résonances dans son œuvre selon l’ordonnance des notes qu’il a mise en place. C’est très probablement ce qui l’a guidé. Il veut que, grâce aux harmoniques, on entende ici du noir, ici du rouge foncé qui va vite se transformer en orange… il veut du vaste, du tendu, du fragile… c’est tout le jeu des couleurs que tu peux mettre en évidence si tu comprends le lien des notes les unes avec les autres. Tu deviens la créatrice du chemin et de la compréhension.. Et tu comprends aussi, intuitivement, les règles de l’harmonie.

Et lorsque tu joues avec un ou plusieurs autres instruments, à nouveau, ce jeu, ces rencontres de copines harmoniques, donnent son sens à la musique. Elles t’éclairent sur la direction musicale à donner. Elles sont la clé de l’énigme que parfois tu ne peux pas trouver tant que tu joues seule encore, sans l’accompagnement ou sans les autres…

Quand tu joues, tu n’es jamais seule : tu es avec toutes les résonances musicales possibles et aussi avec une résonance particulière entre toi et tes coéquipiers car vous voulez, tous, d’un commun accord (et c’est le cas de le dire !) créer le son dans sa plus large richesse.

Mais, même si le violoncelle provoque naturellement toutes ces résonances, tu devras faire également attention à garder toujours tes oreilles en lien avec la variété de ce que crée ton archet dans ton phrasé. Le son que tu produis à travers ta phrase musicale ne doit pas être comme un trait droit tiré à la règle, il doit garder quelque chose de varié et de vivant. Un son rectiligne n’est pas très captivant à écouter. L’intérêt de tes auditeurs et ton propre intérêt vont rapidement disparaître si tu ne leur offres qu’une régularité. Ton archet doit être comme le pinceau d’un peintre qui agirait sur une toile géante. Ton bras est le bras de ce peintre et tu veux créer dans l’espace des pleins et des déliés, de l’épaisseur ou de la finesse, une sensation d’envol ou au contraire de densité. Tu as besoin pour cela de beaucoup de dynamisme dans ton bras. Tu dois faire vivre ton archet et donc ton bras, qui vont créer le son avec la corde et l’envoyer dans l’espace exactement de la même façon qu’un peintre avec son pinceau ferait vivre l’encre ou la peinture par grands traits sur la toile.

Se mettre en attitude d’improvisation

Dans un moment de travail en solo, je propose à des vocalistes d’improviser en chantant mais avec la consigne de marcher en même temps, sans s’arrêter. Le résultat est assez  instructif : l’improvisation a bien du mal, tout à coup,  à rester intérieure et la présence laisse à désirer. La direction est très imprécise et l’intérêt est très loin d’être aussi satisfaisant qu’à l’ordinaire…

On voit très nettement que toute la concentration est mise dans le fait de respecter la consigne de la marche. Le fait de devoir agir – d’avoir donc des gestes précis à effectuer pour se déplacer –  détourne complètement de l’objectif premier qui devrait être de rester en lien avec l’émotion et le geste intérieur (différent donc du geste acquis par l’apprentissage : la marche) et de l’exprimer par le chant. Le raison d’être du chant devient secondaire.

En observant ceci, je me rends compte que cet exercice illustre parfaitement la problématique d’un instrumentiste en situation d’improvisation. Celui-ci, en effet, a bien du mal à exprimer son ressenti car ce ressenti doit  passer par la médiation de son instrument et des gestes à effectuer pour produire les notes et les sons : Il FAUT fabriquer les notes puisqu’elles vont nous servir à nous exprimer. Et, de même que dans la marche obligatoire des vocalistes dans notre exercice,  tous ces gestes précis nous éloignent de notre centre émotionnel et de nos sensations intimes. Nous pouvons toujours faire des notes, bien sûr (de même que nous pouvons toujours marcher si nous le voulons)  mais réussir à les laisser en lien avec notre ressenti profond …? Quelle opération délicate ! Le but – une improvisation qui « dit » – est vite détourné au service des gestes à façonner. Et notre expression peut malheureusement, dans un premier temps, vite se satisfaire de la mécanique de la production du son qui ne nous apportera pas grand-chose au final et ne maintiendra notre attention et notre intérêt que peu de temps. Nous devrons fournir dans notre mental (dans son sens le plus noble) un gros effort et une grande énergie pour réussir à faire cohabiter parfaitement des gestes acquis et très précis tout en gardant libre une conscience et un mouvement du corps qui veut s’exprimer. Notre cerveau doit simultanément être en contact étroit avec les mouvements enfouis de nos émotions et continuer à diriger des gestes acquis pour jouer sur l’instrument.

Cohabitation, donc, du lâcher-prise le plus large possible et du contrôle le plus précis possible… du conscient et de l’inconscient…

Un beau challenge !! Possible ? Oui ! Possible… !

une petite impro toute simple voix et violoncelle avec juste un bourdon au départ. Emmanuelle Vincent

Regard sur une expérience particulière en improvisation

Lors d’un des derniers stages d’improvisation sur un weekend à Lyon, l’un des participants (que nous appellerons  « X ») n’était pas un instrumentiste. Il pratique beaucoup l’improvisation, mais avec sa voix.

Je lui ai prêté un violoncelle pour qu’il soit dans les mêmes conditions d’exploration que les autres stagiaires.

Ce qui s’est produit était vraiment fascinant :  X , voulant bien sûr réaliser certaines choses par rapport aux consignes données et n’ayant aucune idée technique sur le violoncelle, ne pouvait se référer qu’à son oreille, son envie, et la clarté et la force de son projet.

Il voyait aussi, bien sûr, les autres violoncellistes et pouvait en tirer certaines conclusions quant à la façon de s’installer mais rien ne lui a été dit ou imposé sur ce sujet. 

Nous voici donc dans les conditions d’apprentissages « normales » de la vie : un enfant, pour apprendre à marcher, pour apprendre à parler, regarde et écoute  les autres, fait des tentatives plus ou moins fructueuses, mais surtout VEUT arriver à se déplacer seul ou à s’exprimer parce qu’il se rend bien compte que sa vie sera plus attrayante avec ces acquisitions-là.

X avait cette même volonté de participer au groupe et d’y avoir sa juste place: il était là pour ça ! Mais il n’était pas encombré par la peur de ne pas réussir à faire ce qu’on lui demandait, n’avait pas à se préoccuper de conseils qu’on lui aurait donné pour réussir à faire ce qu’il avait l’intention  de jouer, il n’avait aucun préjugé sur lui-même en tant qu’instrumentiste, il était juste dans l’écoute du résultat de ce qu’il produisait et dans le ressenti de sa satisfaction ou non  vis-à-vis de l’effet produit.

X ne pouvait compter que sur lui-même quand il s’agissait de jouer juste si les exercices proposés s’éloignaient de  l’idée de bruitage pour se rapprocher de la notion d’harmonie et de mélodie. Bien sûr il ne s’est pas transformé en quelques heures en exécutant prodige mais ce qui était étonnant c’est sa capacité à se prendre en charge entièrement… avec un résultat tout à fait probant et une grande liberté !

Au bout d’un moment, des questions sont arrivées tout à fait naturellement : Comment ne pas avoir mal au poignet ? Comment ne pas trop se fatiguer ? Comment obtenir de la dextérité ?…

Les réponses étaient toujours, de ma part, concises (puisque nous n’étions pas dans un stage de travail technique instrumental) mais ont permis à X de progresser de façon satisfaisante…

Alors, bien sûr, tout cela repose la question des premiers contacts avec un instrument… X est reparti de ces deux jours de violoncelle avec une joie non dissimulée, une curiosité plus grande vis-à-vis du violoncelle et une conscience de lui en tant qu’instrumentiste tout à fait positive. Le violoncelle ne lui est pas apparu comme quelque chose de non atteignable et rien n’a pu lui faire penser qu’il n’était pas apte même si, avec évidence, la difficulté était grande de réussir à  jouer du violoncelle comme on le voulait…

Nous, les enseignants,  savons bien combien il est complexe de conserver intacte cette curiosité de l’élève dans un travail d’apprentissage instrumental au-delà de quelques années : quand les choses se compliquent, quand la partition est là et qu’il faut réussir à la restituer. Parce qu’il est si difficile d’attendre les questions et les besoins de l’élève et si facile de lui apporter des réponses avant qu’il y ait nécessité de sa part. Parce que, nous, nous savons…  

Il n’est bien sûr pas raisonnable de penser pouvoir jouer correctement d’un instrument aussi difficile techniquement que le violoncelle sans conseils précis et avisés mais.. il est tellement important de conserver son désir, son libre-arbitre aussi, et sa propre volonté, plus importante que celle du professeur… Il est tellement capital que l’oreille, l’envie et la clarté du projet reste au premier plan… et cela échappe si facilement à l’élève par la faute de la forme de notre enseignement.

C’est la première fois que je peux vivre ce genre d’expérience « extrême » et je dois avouer que cela me questionne au plus haut point. Il me semble qu’il est malaisé d’annuler complètement  la frontière entre les deux approches : celle de l’apprentissage classique et celle de l’improvisation. Je me heurte à ce problème en permanence. J’essaie toujours de remettre l’apprenant en situation de conscience de lui-même la plus large possible et de questionnements par rapport à ce qu’il désire jouer mais le passage est malgré tout difficile à trouver et surtout à garder ouvert. Le besoin de technique est là, indispensable à transmettre, et la capacité de faire cette transmission sans rendre l’élève passif et en lui permettant de se sentir confiant et audacieux est toujours une lutte.

Par contre,  je suis sûre que l’improvisation aide (entre autre !) à briser au fur et à mesure d’éventuels doutes quant au bien-fondé de notre démarche qui est de vouloir devenir un instrumentiste : elle répare, elle redonne confiance, elle réapprend à écouter et à s’écouter. Elle redonne le droit à l’initiative non guidée, elle donne du sens à notre démarche. Elle éclaire notre besoin de musique.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Accorder son violoncelle

 

Ah !  Avant de jouer, Il faut s’accorder !! Et voilà souvent  la panique qui pointe son nez  si on est observé pendant cette délicate entreprise ….

Nous avons souvent l’impression d’être en train de faire l’inverse de ce que celui qui nous écoute ferait, à en perdre notre capacité à nous recentrer sur le son. Et nous nous  retrouvons facilement dans une situation de projection avec l’idée bien accrochée que ceux qui nous écoutent nous jugent, et nous jugent de façon négative, parce que, eux, ils savent entendre… Continuer la lecture de « Accorder son violoncelle »

Priorité au Son !!

… Je suis avec une petite élève violoncelliste qui a commencé le violoncelle au début de l’année, Il y a donc maintenant 8 mois. Nous travaillons un morceau qui est assez lent et chanté et qui se joue avec piano… Elle va le jouer à une audition… On parle de ce qu’elle a envie de raconter au public à travers ce texte qui est très simple et qui s’appelle « Pleine lune ». On essaie de mettre le décor : pourquoi « pleine lune » ? pourquoi y a-t-il écrit sur la partition : « tristement » ? – Ce n’est pas triste, la pleine lune ! dit-elle. Continuer la lecture de « Priorité au Son !! »