Les petits articles pédagogiques de Méandres Musicaux. N°2- la conduite de l’archet

Décidons de faire sur une note de la première position un son sur tout l’archet, le plus fort possible et le plus lent possible dans la vitesse d’archet. Il n’y a qu’une possibilité pour que cela fonctionne : jouer très près du chevalet. Là où la corde est suffisamment résistante pour que l’on puisse appuyer fort et qu’un son timbré soit construit avec la lenteur et la régularité du geste. A cet endroit, le violoncelle va sonner très puissamment et avec une vibration intérieure particulière : tout le bois et tout l’instrument se mettent en mouvement.

Par contre dès que l’archet est un petit peu trop près du chevalet le son se fragmente. Il faut donc apprendre à connaître la frontière du possible : à un millimètre près, le violoncelle sonne avec toute sa puissance ou bien passe dans quelque chose d’instable. Il faut être précis, rester dans la bonne direction d’archet, détecter le passage inopportun de la frontière avant même qu’il soit effectif. Nous sommes toujours en train de jouer dangereusement pour que notre musique ou nos sons restent vivants.
Une fois cette puissance trouvée – sur tout l’archet et sans fragilité – nous pouvons rajouter le vibrato pour encore plus de noblesse. Point de repos ! Il faut là aussi chercher une bonne concordance entre la vitesse et l’amplitude du vibrato et celles de la corde.
Tout ce travail amène à trouver une sonorité qui nous appartient entièrement et qui va faire partie de notre pâte sonore personnelle clairement identifiée. Nous sommes obligés de nous investir pleinement dans ce jeu-là qui demande de la force, avec le minimum d’effort, et surtout une attention totale et constante pour que le son reste très incarné (ce qui nous demande d’être très incarné nous-même?).

Faire passer autant de poids dans notre corde peut malgré tout être fatigant à la longue pour le bras droit et la main. Il ne faut alors pas oublier que si l’archet peut aller dans la corde, la corde peut aussi aller dans l’archet. Particulièrement quand nous sommes dans la partie supérieure de l’archet : Sentir que le sternum peut pousser le violoncelle vers l’archet créera à nouveau des sons plus projetés, plus vivants, malgré la contrainte de la force. Et, oui, le violoncelle a tout à fait le droit de bouger lui aussi !
Pour ouvrir le sternum, nous aurons besoin de cambrer légèrement la colonne vertébrale au niveau des lombaires et des cervicales. Certes, cela s’oppose assez à l’image du violoncelliste avec la tête baissée pour jouer plus fort…
Notre corps se mettra en mouvement ( qui peuvent être des micro-mouvements) et sera plus actif et donc plus détendu.

Il est intéressant de faire ensuite des variations par rapport à la consigne de base :

  • Tout en gardant cette qualité sonore, et l’idée de fortissimo et de lenteur de l’archet, on peut faire la même note mais à l’octave supérieure puis encore une octave au dessus.. Cela oblige à changer des paramètres. L’appui va être différent : plus la corde est courte moins on peut appuyer (même si près du chevalet). Il faudra donc compenser en prenant un petit peu plus de vitesse… L’oreille doit être aux aguets pour, le plus rapidement possible, trouver les bons réglages.
  • On peut aussi changer de note et passer au demi ton suivant, dans le même archet : avec ce son très plein, on se rend mieux compte que les harmoniques qui constituent la nouvelle note font réagir le violoncelle un peu différemment et là aussi il va falloir compenser pour rétablir le son et la qualité de départ. Nos oreilles vont être sollicitées au maximum dans ce travail de détail.
  • On peu maintenant mettre en place une pulsation et décider de faire des blanches fortissimo avec un archet très lent. Attention ! On ne va pas forcément utiliser TOUT l’archet ! Et il est intéressant de constater que souvent nous posons comme une évidence que l’archet sera utilisé du talon à la pointe : non, nous allons prendre la quantité d’archet UTILE… Et nous nous en souviendrons dans les textes !
  • Gardons la même pulsation et jouons toujours des blanches mais pianissimo avec le même timbre que précédemment. Les seuls paramètres sur lesquels nous pouvons jouer sont la vitesse de l’archet et la place de l’archet : encore moins vite,donc (le danger est encore plus grand car l’archet risque de s’arrêter par moment tant nous sommes lent) et plutôt dans la partie supérieure de l’archet. Ce son contenu, contraint, et notre concentration à son apogée se perçoivent de l’extérieur et crée le piano. Un piano plus intéressant que simplement un son moins fort… Un piano plein de suspens que l’auditeur aura envie de suivre…

Toutes ces petites expériences nous rappellerons que la constance de notre son est due à l’irrégularité de nos gestes : plus ou moins vite (donc avec plus ou moins de longueur) plus ou moins près du chevalet, plus ou moins appuyé, à différentes places d’archet…. Nous sommes en fait en permanence en train de rectifier le son, et donc en permanence sur le qui vive.

Méandres Musicaux

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