Ce qui est inhabituel lorsque l’on fait de l’improvisation c’est de devoir réfléchir très vite pour pouvoir prendre des décisions.
Je vous propose de mettre en route le processus avec un exercice assez simple car très cadré. Ce qui n’empêchera pas, au début, de se sentir peut-être un peu dépassé par les évènements car nous n’avons pas cette habitude de décider par nous-même de la prochaine note à jouer…
Faisons d’abord un peu de théorie :
Les « gammes » sont devenues notre pain quotidien en musique mais dans l’antiquité, on utilisait plus d’échelles de succession d’intervalles différentes : les « modes ». Seuls 2 modes principaux sont restés pour devenir notre gamme Majeure et notre gamme mineure.
Le principe du mode ou de la gamme est de trouver une « échelle » d’intervalles sur un ensemble de 8 notes, par exemple : du Do au Do à l’octave, ou du Ré au Ré à l’octave …) avec la place des tons et demi tons à des endroits différents dans chaque échelle (par exemple la gamme majeure -anciennement « mode de Do » ou « mode Ionien », a une échelle qui, du bas vers le haut, nous fait jouer : Do-Ré-Mi-Fa-Sol-La-Si-Do autrement dit : 1 ton-1 ton-1 demi-ton- 1 ton -1 ton-1 ton- 1 demi-ton.
La gamme mineure -anciennement « mode de La » ou « mode Eolien »- nous fait jouer sur l’échelle : La-Si -Do -Ré -Mi -Fa -Sol- La : c’est à dire 1 ton-1 demi-ton – 1 ton- 1 ton- 1 demi-ton- 1 ton (ensuite devenu 1 ton et demi car le sol a gagné un #) – 1 ton ( ensuite devenu 1 demi-ton).
Comme vous le voyez donc, les différents modes se sont créés à partir d’une échelle de notes conjointes et sans aucune altération. Au moins, le travail est simplifié à ce niveau-là ! Chaque mode est vraiment caractéristique et donne une couleur particulière.
Essayez : Faites le mode de Do (do ré mi fa sol la si do), puis celui de Ré (ré mi fa sol la si do ré) , puis celui de Mi. (mi fa sol la si do ré mi) etc… l’ambiance n’est pas du tout la même.
Bien sûr puisque vous avez votre modèle qui vous donne la place des tons et demi-tons consécutifs vous pouvez maintenant utiliser le mode de Mi (mi fa sol la si do ré mi) en partant d’une autre note que le Mi. Le tout étant de respecter les intervalles de votre modèle (poour le mode de Mi (ou mode Phrygien) ce sera donc : 1 demi-ton- 1 ton- 1 ton- 1 ton- 1 demi ton- 1 ton- 1 ton, quel que soit votre note de départ.) Du coup on va retrouver nos altérations pour créer les bons intervalles : par exemple si je veux utiliser le mode de Mi en partant d’un : sol , cela donnera : Sol-Lab- Sib- Do- Ré- Mib-Fa – Sol….
Soit dit en passant, c’est ainsi que nous avons crée toutes les gammes majeures et mineures : la gamme majeure dont le modèle est donc :Do ré mi fa sol la si do donne l’ échelle de : 1 ton- 1 ton- 1 demi-ton- 1 ton- 1ton- 1 ton 1 demi-ton, et si nous voulons commencer cette échelle par un sol (la gamme de Sol) il faut mettre un dièse sur le Fa… Si nous voulons commencer notre échelle par un Ré (la gamme de Ré ), nous devrons ajouter un dièse au Fa et au Do. Si l’on veut créer une échelle en partant du Fa (la gamme de Fa) Il faudra mettre un bémol sur le Si …etc
Voilà pour la théorie, passons à la pratique :
Nous allons pour notre exercice utiliser le mode de Ré. C’est à dire, sans altérations, Ré mi fa sol la si do ré.
Jouez déjà cela plusieurs fois en montant et descendant pour vous mettre dans l’ambiance un peu médiévale de ce mode.
Comme dans toute gamme (je vais maintenant utiliser cette appellation, plus habituelle) il y a certaines notes plus importantes que les autres et qui vont immédiatement faire comprendre dans quel système nous sommes.
Il s’agit bien sûr de la première note de notre gamme (le Ré) et des lieutenants de ce Ré qui seront la tièrce et la quinte c’est à dire Fa et LA. Donc, l’arpège de la gamme, en fait… Ré- Fa -La seront les notes qui ferons comprendre que nous sommes dans le mode de Ré. (que l’on connaisse la théorie ou pas : notre oreille suffit)
Pour bien se faire comprendre il va donc falloir utiliser plein de « Ré » en les plaçant sur les temps importants de notre mesure, bien sûr. Puis pas mal de « Fa » et pas mal de « La » , également sur les temps importants. En procédent ainsi, le code est bien en place et vos accolytes comprendront dans quel monde vous voulez jouer…
Vous allez maintenant prendre une pulsation très lente pour donner à votre cerveau le temps de comprendre ce que vous voulez faire sans le mettre en échec.
Vous allez penser à une mesure à 4 temps. Les temps importants -les temps forts- comme vous le savez, sont le 1e et le 3 temps. Je vous conseille de battre un peu cette mesure sans jouer pour bien vous imprégner de cette insistance sur le temps 1 et 3 sans plus avoir à y réfléchir par la suite. Soyez dansant et insistants.
Puis, commencez à jouer sur votre pulsation uniquement des « Ré », des « Fa », des « La » et des « Ré » à l’octave (jouez sur les 2 cordes supérieures pour que ce soit plus simple) en mettant surtout les «Ré » sur le 1e temps .
Vous pouvez créer des rythmes autres que des noires.
Vous pouvez faire plusieurs fois la même note si vous le voulez.
Il n’est dèjà pas si simpe de sentir où sont les temps forts (sans cette fameuse partition qui nous mâche la besogne !) alors faites-le assez longtemps. Et, si c’est déjà paniquant, faites 10 fois plus de Ré que de Fa et de LA…Essayez d’avoir un bras droit très dynamique pour que votre corps sente cette pulsation rythmée (Le son doit faire un peu « wouam » sur les temps forts). Et avec la main gauche rendez aussi plus dynamique ces notes des temps forts ; Et n’oubliez pas que tout ceci est très dansant.
Lorsque vous êtes à l’aise avec cet exercice, vous allez ajouter les notes « de passage », c’est à dire les notes qui vont du Ré au Fa, ou du Fa au La , ou du La au Ré supérieur. Mais en gardant bien les notes importantes sur les temps importants (de toute façon, à ce stade là, vous sentirez certainement quand vous vous trompez!)
Un petit exemple :

C’est vite un mode assez obsédant !! Mais on peut s’amuser si le corps reste bien dynamique et dansant.
Lorsque vous êtes à l’aise vous pouvez aller chercher des notes dans d’autres octaves et, pourquoi pas, dans d’autres positions !!