… Je suis avec une petite élève violoncelliste qui a commencé le violoncelle au début de l’année, Il y a donc maintenant 8 mois. Nous travaillons un morceau qui est assez lent et chanté et qui se joue avec piano… Elle va le jouer à une audition… On parle de ce qu’elle a envie de raconter au public à travers ce texte qui est très simple et qui s’appelle « Pleine lune ». On essaie de mettre le décor : pourquoi « pleine lune » ? pourquoi y a-t-il écrit sur la partition : « tristement » ? – Ce n’est pas triste, la pleine lune ! dit-elle. – Oui mais si on écoute le morceau avec la partie de piano, on entend pourtant bien que ce n’est pas très gai… alors ?… Que peut-elle imaginer pour que cela prenne sens, aussi bien pour elle que pour les auditeurs ? Finalement cela va être une histoire avec des animaux (c’est elle, bien sûr, qui choisit) elle voit un petit cheval bleu foncé presque noir qui a perdu sa maman…. Son histoire, qu’elle construit au fur et à mesure que l’on chante la partie de violoncelle, tout en écoutant bien le piano qui va nous donner les solutions de l’énigme, devient très sensée et toute simple. Nous sommes toutes les deux pleines d’émotions en la voyant se dévoiler… Maintenant cette petite élève joue… c’est bien sûr plus difficile que d’inventer avec des mots mais, nous-autres, instrumentistes, avons comme dure tâche d’être muets… Pour aider son archet à être bien en lien avec ses cordes je lui rappelle la couleur du cheval : « bleu presque noir ». Et immédiatement le son se transforme, devient plein et grave et le phrasé est là, clair et précis !!
… Je suis avec un petit groupe d’élèves violonistes, altistes, contrebassistes et violoncellistes. Nous sommes en atelier d’improvisation. La consigne est celle-ci : 3 élèves jouent tous en même temps la note de leur choix (cela fait donc un accord aléatoire) et tiennent le son. Un quatrième cherche le mot qui lui semble le plus approprié pour évoquer l’ambiance crée. Le groupe tente alors de s’adapter à ce mot – qui, parfois, surprend – en se mettant simplement, tout en jouant, en contact avec ce qu’il évoque. Et, de fait, le son se transforme, prend des couleurs nouvelles bien que les notes n’aient pas changé et que l’archet reste avec un rythme immuable… Nous sommes bien dans une technique mais laquelle ??
… Je travaille mon violoncelle dans un endroit inhabituel : une ancienne étable dans une ferme de montagne… Il y a beaucoup de bois. Mon violoncelle sonne parfaitement bien et tout me semble merveilleusement facile !! Le son me guide… Le son guide ma Musique… C’est si simple…. la qualité du son autour de moi, en dehors de ce que je façonne, m’aide à jouer techniquement mieux et musicalement mieux ….
… Dernièrement, pendant le cours hebdomadaire d’une élève adulte (C), cela s’est encore bien manifesté : la semaine précédente, nous avions étudié à fond les glissades harmoniques extrêmement lentes pour vraiment écouter TOUT ce qui se passait dans le son sur les harmoniques et aussi sur les parties de corde ENTRE les harmoniques : les sifflement, les grognements, les souffles ….et C. avait constaté qu’il ne se passait pas du tout la même chose sur chaque corde et avait pu relier ça justement à des sensations et des images très différentes selon les cordes (gravillons, eau..)
Hier donc, comme l’oreille s’était ouverte dans le travail précédent, l’écoute des notes était plus subtile et le son et la technique d’archet s’en trouvait à l’évidence enrichis. Le fil était créé par cette capacité de l’oreille à discerner ce qui était dans le son et cela devenait le fil principal qui soutenait la technique d’archet et donc la technique de main gauche….je crois vraiment que l’ordre est celui-ci… d’ailleurs on le voit bien, donc, dans une très bonne acoustique : comme le son est meilleur, la main gauche marche bien mieux. C’est le son qui mène la main gauche, qui lui donne confiance, qui la fait agir exactement au bon moment. Ceci fonctionne en fait si on a repéré le moment exact où on devait signifier à la main gauche ce qu’elle allait faire bientôt. Mais c’est comme si cette anticipation pouvait être meilleure dans des conditions de bonne qualité de son ou plutôt de bonne écoute du son et de plaisir de son.
Mais comment se fait-il que lorsque je donne la priorité absolue au son tel que je le ressens, TOUT aille mieux ???
Je trouve cette expérience fascinante. J’aimerais bien venir à Lyon pour essayer.