Je vous propose de poser votre instrument et de faire ce simple exercice : Avec votre main droite, doigts en l’air, en partant un peu au dessus du niveau de votre tête, imaginez que vous tirez vers le bas du bout des doigts un fil un peu résistant accroché au plafond. Expirez tranquillement par la bouche pendant ce temps-là jusqu’à ce que votre main arrive au niveau de votre poitrine. Puis, laissez un petit temps de rien (et non pas de retenue tendue) et laissez ensuite simplement vos poumons avoir envie de reprendre de l’air sans aucun effort musculaire et beaucoup moins lentement qu’en expirant. Toujours en passant par la bouche plutôt que par le nez. Ce n’est pas une respiration active, vous LAISSEZ FAIRE. Pendant cet inspir, qui n’est que détente et confort, votre bras et votre main droite vont sans doute remonter, n’étant plus sous la tension du mouvement de tirer sur le fil. Votre gorge reste complètement relâchée. L’air qui rentre se perçoit plutôt bas dans le tronc.
Faites ceci un certain nombre de fois sans du tout remplir et vider complètement vos poumons : il s’agit de faire le moins d’effort possible et de laisser le corps se débrouiller le plus possible sans notre intervention directive.
Ensuite, mesurez l’exercice : 3 temps pendant l’expir et un temps pendant l’inspir mais toujours sans la moindre volonté de FAIRE, à part la pulsation régulière. Votre gorge reste toujours bien passive. Vous devez à peine sentir l’air passer tans cette région est détendue, rien ne racle.
La troisième étape consiste à mimer un coup d’archet en rondes. Imaginez jouer bien à la corde. Faites juste le geste sans avoir l’archet dans la main et comptez bien les quatre temps dans votre tête. N’oubliez pas que vous avez besoin d’un peu plus de place pour le 4e temps de l’archet. Inspirez doucement pour votre levée avant de commencer, expirez sur les 3 premiers temps de l’archet et inspirez juste tranquillement sur le 4e. Considérez bien que vous jouez avec tout votre archet. Si vous ne faites pas d’effort votre bras droit va inspirer lui aussi sur le 4e temps et il tournera en sachant exactement quand le faire et sans tension dans les articulations. Vous allez sans doute sentir que les articulations gagnent un peu en fluidité. Sentez que cette fluidité concerne d’ailleurs tout votre corps.
Maintenant faites le avec l’archet sur une corde. Comptez vos temps fort dans votre tête tout en continuant à respirer par la bouche : « uuuuundeeeeeuxtroooooooooisquaaatreETuuuuuundeeeeeeuxtroooooooisetquaaaatre… » Sentez que votre voix (dans votre tête) est dans le legato. Un peu comme tout à l’heure, vous pouvez imaginer que vous tirez très régulièrement avec votre voix une corde un peu résistante. Ecoutez bien votre violoncelle: on entend que le son est vivant sur ce 4e temps et on passe sans mal au premier temps suivant ! C’est un exercice très relaxant et c’est le Legato !! Surveillez toujours la détente de votre gorge.
Essayons à présent avec une gamme en rondes. Sans doute que le ou les doigts qui se préparent pendant le 4e temps pour jouer le premier temps suivant profitent aussi de cette respiration !
Et, dernière étape pour aujourd’hui : faisons une gamme en blanches liées par 2. Les tournes de nos archet vont continuer à profiter de cette respiration sur tout l’archet. Mais pouvez- vous sentir que votre bras droit vit la pulsation ? Sans pour autant marquer les temps comme un métronome? Il n’y a rien de mécanique mais votre bras doit pourtant avancer de « temps en temps », imprégné tout du long de cette pulsation, en sachant où il va et jusqu’où il va.
Peut-être faut-il reprendre le mime pour un moment en disant à nouveau tout haut cette fois : uuuuuuundeeeeeeuxuuuuuundeeeeeeux. Est ce que votre voix réussi à influencer votre bras pour que celui-ci sente qu’il y a un plus de densité dans les passages de temps par exemple ? C’est exactement la même tension que si vous sortez de l’eau une corde chargée d’une ancre en la passant d’une main à l’autre : il se passe quelque chose un peu avant que les mains ne s’échangent. Essayer de « constater » cela plutôt que de le « provoquer ». (N’oubliez pas que notre corps en fait toujours dix fois trop quand on lui demande de suivre une consigne qui implique ses muscles !)
Pour conclure, votre bras droit, et par conséquent votre archet, ne sont bien sûr pas réguliers dans leur effort : il font quelque chose de « temps en temps » et il font quelque chose avant et pour tourner (mais en sachant que la tourne correspond aussi à un passage d’un temps à un autre!!!) . De « temps en temps » il s’agit plus d’un relais, avec un petit effort élastique pour passer le bâton au temps suivant (ou d’une main à l’autre si on pense à une corde), pour la tourne il s’agit plutôt d’une sorte de lâcher-prise/ bien-être…mais en sachant là aussi que la tourne correspond également à un passage d’un temps à l’autre …
Tout ceci ne s’entend pas grossièrement mais donne vie à chaque instant de votre musique et fait toute la différence. Tout ceci vous donne vie également d’ailleurs.