Les petits articles de Méandres Musicaux- N°6 : le rythme et l’archet

Le problème du rythme avec notre instrument à cordes est particulièrement complexe : on peut être « bon en rythme » en solfiant et ne pas retrouver cette qualité dès que l’on joue.
Il faut dire que l’archet ne nous facilite pas la tâche !
Le problème principal est bien sûr celui de cette vitesse du bras qui n’est pas constante parce que nous devons avoir les bonnes places d’archet, les bons élans, les bonnes nuances, etc. Une pulsation régulière et stable et des gestes irréguliers dans leurs vitesses sont quand même une sacrée gageure ! Cette vitesse du bras droit, très changeante, entraîne aussi dans l’ensemble de notre corps des différences de tonicités. Tenter de concilier cela avec la pulsation régulière de la musique peut mettre de l’eau dans le gaz…

D’autre part, tirer et pousser l’archet se faisant de façon différente pour la main, cela peut aussi avoir tendance à dérégler notre régularité. Ainsi que certains bariolages assez déstabilisants : pousser en liant 3 cordes en montant demande au bras en même temps de baisser quelque chose et en même temps de monter vers la corde aiguë : on comprend que le bras se trouve par moment perplexe et embarrassé!!!

Et puis tous ces cas de figure au cours desquels rien ne se passe à la main gauche alors qu’on entend une nouvelle note (lorsqu’on passe par exemple par une corde à vide, ou qu’on laisse un doigt sur une corde pour aller sur une autre parce qu’on revient ensuite à la première ) : C’est totalement déconcertant ! Ou cet archet qui fait une blanche alors que la main gauche joue un autre rythme pendant ce temps-là : notre cerveau doit être perplexe tant qu’il n’a pas compris ce qui se passait en réalité de façon à trouver les bons repères.
Sans parler de cette singularité géniale qui fait que, contrairement à un instrumentiste à vent (sauf ceux qui savent utiliser le souffle continu) , nous pouvons en même temps inspirer ET continuer à faire un son, ce qui n’est pas dans nos habitudes : dans la vie, nous inspirons avant de parler par exemple….
On peut aussi évoquer les difficultés techniques qui tendent à nous ralentir ou à provoquer des accents sur des notes qui ne le demandent pas, cet archet qui s’arrête pour laisser du temps à la main gauche (la pire des solutions, bien sûr!) ne nous facilitent rien ! …
Bref, jouer d’un instrument à cordes est source d’un nombre de quiproquos assez important. Et tout ceci tend à déstabiliser notre rythme.

Ce qui est explicité étant déjà à moitié résolu, nous solfierons beaucoup notre texte à voix haute et en battant la mesure pour avoir une notion très claire des temps forts et des temps faibles et de la forme générale. Il nous faut absolument un modèle solide pour pouvoir contrecarrer les problèmes techniques évoqués ci-dessus ou déjà, dans un premier temps, simplement en prendre conscience au moment de passer à l’instrument.

Nous continuerons à dire notre texte intérieurement tout en jouant. Nous resterons bien sûr d’une vigilance totale et sans illusion face au fait que notre bras (droit, particulièrement!) essaiera de nous tromper de toutes les façons possibles pour nous faire penser qu’il est plus fort en rythme que nous! Je le trouve particulièrement roué sur le sujet !

J’insiste sur le fait de battre la mesure : Taper la pulsation peut nous donner une idée de la régularité mais ne nous aidera jamais, contrairement à la battue de la mesure, à comprendre la structure interne de ce que l’on veut jouer et ses différences d’appuis selon les temps. Le geste de la battue nous éclaire sur les appuis et sur le fait que nos gestes ne font pas du surplace mais vont au contraire toujours vers la suite du texte, portés par ces jalons de relief donnés par le bras et l’importance différente des temps d’une même mesure. Le geste de la battue de la mesure à deux temps, trois temps ou quatre temps est tellement explicite ! Les appuis et les légèretés se font tous seuls grâce au geste traditionnel convenu si on laisse le corps s’amuser de ce mouvement.

D’autre part, notre bras qui bat la mesure pour trouver un geste fluide, rythmique et musical gardera probablement cela en mémoire au moment de prendre l’archet.

On n’oubliera pas non plus, tout en continuant à dire notre texte à voix haute, de travailler la main gauche seule en la tapant, ou l’archet seul sur cordes à vides.

Bien sûr, cela fait du pain sur la planche mais… on l’a voulu, non ?!

Méandres Musicaux

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